Page:La Revue blanche, t12, 1897.djvu/374

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Le dimanche matin, comme nous étions impatients de savoir ce qui se passait dehors, j’allais trouver Cère qui avait été le secrétaire de Vermorel et qui a eu depuis un emploi au Sénat qu’il a peut-être encore. Cère me dit : « Avez-vous lu le Gaulois de ce matin ? J’y ai lu une note ainsi conçue : Vermorel, qu’on disait tué, n’est que blessé, et il se trouve en ce moment boulevard Voltaire, tel numéro, avec Jaclard qui lui donne ses soins. » Je retourne immédiatement à notre gîte, persuadé que je n’y retrouverais pas Vermorel. Il y était pourtant. Je lui applique un bandage très rigide. Il descend tant bien que mal. Une voiture était dans la cour. Nous voilà partis pour le quartier Monceau, où habitait un capitaliste, que Vermorel avait protégé pendant la Commune et qui lui avait dit de disposer de sa maison en cas de besoin. Un domestique nous ouvre : « Monsieur est parti ce matin avec un permis de M. Thiers. » Après des pourparlers, on nous installe dans le sous-sol. À quatre heures du matin, la porte s’ouvre. Nous nous trouvons en face de la troupe. Les draps sont arrachés. On nous conduit tous les deux à la prévôté des Champ-Elysées. Vermorel avait encore son bandage de la veille. En route nous pûmes nous concerter. Vermorel, blessé, ne pouvait nier avoir combattu. Un homme de si bonne capture, un membre de la Commune, ne pouvait que gagner à faire connaître son nom : il était à conserver précieusement pour le conseil de guerre. Quant à moi, je me présentai comme un pharmacien de ses amis appelé pour le soigner, et resté, en conséquence, auprès de lui. Remis en liberté, je fus repris quelques jours après, reconnu sur le boulevard par un capitaine avec qui j’avais eu maille à partir devant le conseil de guerre pour l’affaire du 31 octobre. « Ah ! c’est vous, me dit-il, qui avez reproché à Flourens de ne pas avoir été assez énergique le 31 octobre ! » Quatre mois après, je m’évadais de la prison du Chantier à Versailles. Vers le même temps, Vermorel mourait de sa blessure et surtout des mauvais traitements qu’il avait subis.

M. Maxime Vuillaume
alors rédacteur au Père Duchêne, actuellement rédacteur au Radical.

— En votre qualité de condamné à mort par la prévôté militaire du Luxembourg, ne voudrez-vous pas nous dire dans quelles formes on rendait la justice pendant la semaine de mai ?

— Mon jour fut le 25 mai. Ce jour là, j’entendis force interrogatoires, ce qui ne m’a pas fait perdre beaucoup de temps. Voici la formule : « — Vous avez été arrêté, demandait le grand prévôt. Où ? — Chez-moi. Cette nuit. Je ne sais pourquoi. » Le grand prévôt levait les yeux. Invariablement sans autres explications : « — Qu’on l’emmène à la queue ! » Ou, plus simplement, avec un regard vers la porte où quatre soldats se tenaient : « À la queue ! » Cependant ce fut pour moi un peu plus long. J’avais été arrêté dans la rue, et j’avais