Page:La Revue blanche, t12, 1897.djvu/462

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se contraignait à demeurer indifférent à la littérature ; mais — comment m’expliquer ? — il pensait toujours dans le style des Illuminations, avec, en plus, quelque chose d’infiniment attendri et une sorte d’exaltation mystique ; et toujours il voyait des choses merveilleuses. Je me suis aperçue de la vérité très tard, quand il n’a plus eu la force de se contraindre. »


Il tenait la célébrité en dédain ; méprisait la foule, qui en est la dispensatrice. On doit attribuer cette attitude aux nouvelles lui arrivant, bien malgré lui et par hasard, de Paris, nouvelles qui clamaient le lot de gens dont il savait la médiocrité. Il ne pouvait vouloir de cette gloire convenue, indigne de son altier et vaste lui ; gloriole, plutôt de clocher, de clan, de cénacle.

Nous l’avons vu : ni la famille, ni le charme de la terre natale, ni les usages d’une société, ni les lois d’un état n’eussent pu le retehir. La morale, avait-il dit, est la faiblesse de la cervelle. Il n’aurait consenti à être du bateau glorieux. Et lorsqu’il apprit la publication de ses vers, crus ensevelis dans l’oubli, ainsi que le bruit fait autour de son nom à cause d’eux, il fut, dit sa sœur, « péniblement impressionné » et il entra dans une grande colère.

Il se sentait, en revanche, de tous les pays, de tous les mondes, de toutes les religions. Une synthèse cosmogonique siégeait en son for intérieur. Estimant Joseph Prudhomme né avec le Christ, comment une formule religieuse, fût-ce la catholique, eût-elle pu encadrer ses colossales et inouïes mysticités ?

Oh ! ce que sa parole définitive eût proféré,fusion philologique de tous les langages en des rythmes d’éloquence émouvant tout et accédant partout, aurait peut-être régénéré l’âme humaine…

Paterne Berrichon.