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On peut, dans l’écriture chinoise, nettement distinguer deux classes de caractères. L’une se compose de véritables hiéroglyphes, l’autre d’hiéroglyphes auxquels on ajoute un élément phonétique. Il y a, par exemple, un hiéroglyphe qui désigne « le poisson » ; il y a un autre hiéroglyphe qui désigne « la lieue » et qu’on prononce « li » ; or, il existe un poisson, une espèce de carpe, qui s’appelle « li » aussi, et le caractère que l’écriture chinoise emploie pour désigner cet animal se compose de l’hiéroglyphe « li », la lieue, mis à côté de l’hiéroglyphe « poisson » : dans cette combinaison, le caractère « yu », poisson, joue donc un rôle idéographique, et le caractère « li », lieue, un rôle purement phonétique ; et, pour expliquer ce que ce caractère combiné signifie, il faudrait dire que « c’est le poisson qui s’appelle li ». La plupart des caractères chinois appartiennent naturellement à cette dernière classe ; presque tous les noms de plantes, arbres, animaux, hommes, et un nombre énorme d’autres objets sont symbolisés par de tels sinogrammes mixtes. De cette façon, s’est formée une quantité extraordinaire de caractères ; le dictionnaire officiel le K’ang-hi-tsze-tian en contient 44 449, mais tous ne sont pas nécessaires ni unanimement reconnus ; la connaissance de 5 000 suffit pour comprendre toute la littérature historique et philosophique.

Pour mieux les classifier dans les dictionnaires, on a pris 214 hiéroglyphes qu’on appelle (non pas « clefs », mais) « chefs de classe », qui jouent — mutatis mutandis — le rôle de notre alphabet, et qui, dans les sinogrammes mixtes, occupent toujours la même place, certains à gauche du caractère phonétique, d’autres à droite, ou bien en haut ou en bas ; ces chefs de classe (c’est pourquoi j’en parle) trouvent parfois un emploi des plus étranges dans la versification chinoise[1].

  1. La phrase chinoise qui orne cette page est le titre d’une petite encyclopédie populaire d’où nous avons extrait les vignettes qu’on trouvera plus loin. Voici l’analyse de cette phrase :

    Premier caractère : lou, signifie « bête, ignorant, idiot » ; la partie supérieure (jusqu’aux quatre points) est le chef de classe (qui est poisson), la partie inférieure est une forme simplifiée et contractée de « blanc » et de « sauce » : signification « ce qui coule lentement » (la parole spécialement).

    Deuxième caractère : pan, signifie « enseigner » ; la partie gauche « bijou »