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le « tourniquet »
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Le cas de conseil, qui est le dénouement, repose sur toute une antécédence de faits minuscules, qui finissent par avoir une terrible signification.

En ordre de fréquence. Les cas de conseils sont provoqués par :

le refus d’obéissance,
le bris de clôture,
la lacération d’effets,
l’abandon de poste,
le sommeil en faction,
la dissipation d’effets.
l’outrage,
la voie de fait.

Les cas les plus rares sont :

la désertion,
le vol,
la rébellion.


LE REFUS D’OBÉISSANCE ET L’ORDRE FORMEL

Le refus d’obéissance est le motif pour lequel les disciplinaires sont le plus souvent traduits devant le conseil de guerre. Cela tient à ce que les gradés de la discipline possèdent un moyen, inconnu dans l’armée régulière, qui leur permet, au gré de leur volonté, de précipiter le dénouement du drame qui se joue perpétuellement entre eux et les camisards. Ce moyen c’est l’ordre formel.

Depuis quelle époque l’ordre formel existe-t-il dans les corps disciplinaires ? Qui l’a introduit ? Il est impossible jusqu’ici de le savoir. On n’en trouve trace dans aucun règlement, aucune circulaire ministérielle ne prescrit son emploi, et cependant des milliers de disciplinaires peuvent en témoigner ; des milliers de folios de punition et de livrets matricules où sont inscrits des motifs de punition contenant l’expression « ordre formel » en font foi ; les archives des conseils de guerre d’Afrique contiennent des milliers de dossiers où sont relatées toutes les circonstances dans lesquelles l’ordre formel a été employé par des générations de gradés. Pour faire l’historique de l’ordre formel il faudrait pouvoir dépouiller les archives des corps disciplinaires, celles des conseils de guerre d’Oran, d’Alger, de Constantine et de Tunis, celles du bureau de la Justice militaire au Ministère de la Guerre.

Toutes ces archives sont fermées au public. On n’a donc pour se renseigner que le témoignage des disciplinaires : ils sont suffisants pour montrer le mécanisme et l’emploi de l’ordre formel.

Dans l’armée régulière, lorsqu’un gradé veut forcer un soldat rebelle à l’obéissance, il est obligé de prendre un livret militaire, de lire trois fois l’article 218 :

« Est puni de mort, avec dégradation militaire, tout militaire qui refuse