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nitures nécessaires aux semailles sont achetées avec l’argent de l’ordinaire, mais c’esl également avec l’argent de l’ordinaire que sont achetées les graines destinées à produire les plantes dont s’orne le logis des gradés. La maison Vilmorin-Andrieux, qui est le fournisseur du dépôt, a sur ses registres la preuve de ce vol, preuve que l’on trouverait également si l’on faisait examiner la comptabilité du dépôt par des experts consciencieux.

Dans ce soi-disant Jardin de la troupe est une cabane à lapins (dont nous possédons la photographie, car, pas plus que les in-pace, ce jardin n’échappa à nos investigations) où l’élève des lapins se fait en grand : cette cabane, qui a couté quatre cents francs, a été édifiée avec l’argent de l’ordinaire. Il va sans dire que les disciplinaires n’ont jamais vu de lapin figurer sur leur maigre menu.

Avec l’argent de l’ordinaire on cultive aussi des fraises pour la table des officiers. Deux disciplinaires, Tomel et Soupé, qui un jour eurent la tentation de goûter à ces fraises furent punis de quatre jours de salle de police par le caporal Maire, punition changée en quatre jours de prison : une autre fois, surpris par le caporal Lascompe, Soupé fut, pour le même fait, puni de six jours de prison.

À signaler aussi la pêche : des Peaux de lapins font souvent la corvée de pêche, le poisson est partagé en lots. Les plus belles pièces échoient aux plus hauts gradés : la part des caporaux est plus modeste ; et ce dont ils ne veulent pas est quelquefois laissé aux disciplinaires.

Communications avec l’extérieur. — Toute communication, soit avec les civils, soit avec les troupes, est formellement interdite : toute tentative dans ce sens, durement réprimée.

Quoique aucune prescription spéciale ne permette l’ouverture de la correspondance, on lit les lettres des disciplinaires au départ.

Des sergents sont chargés de ce service.

Dans les derniers mois de l’année 1899, au cours d’une fouille générale, on saisit dans le paquetage d’un Peau de lapin une lettre adressée au directeur de l’Aurore. Dans cette lettre était notamment signalée — M. le commandant d’Oléron se le rappellera certainement — la noyade d’un chien dont les aboiements empêchaient de dormir Mme l’adjudante Hervé. Le disciplinaire qui avait écrit cette lettre fut puni de 30 jours de prison : une demande de 60 fut établie contre lui.

En septembre 1899, le disciplinaire Robillard essaya de faire parvenir une lettre au même journal. Elle fut saisie, et le pauvre diable expia sa tentative de protestation par 60 jours de prison dont 28 de cellule.

Le disciplinaire Tardif, qui était en correspondance avec moi, eut une lettre saisie : le commandant d’Oléron demanda 60 dont 30, et fit un rapport « sur le caractère, les idées de Tardif, la nature de