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Des grèves patronales

Quand on examine le relevé officiel des grèves ouvrières on constate que l’une des causes principales de ces conflits réside dans la fluctuation des salaires : l’ouvrier réclame une augmentation, ou s’oppose à une diminution. Il n’a guère d’autre moyen de défendre ses intérêts que celui de paralyser momentanément la production.

D’autre part quand on étudie le mécanisme de la productivité on constate que la grève, la cessation du travail, ne résulte pas uniquement d’une action concertée des salariés, mais aussi, et fréquemment, d’une préméditation individuelle ou d’une entente collective de patrons, de commerçants, de grands et petits exploitants. Ces actes ont pris, suivant les cas, les noms de coalition ou de lock-out.

En général ils ont pour objet, soit de s’opposer à une baisse des prix de vente, soit de diminuer les frais généraux en réduisant les salaires, soit, plus carrément, de fermer des usines et des ateliers.

Ces actes sont loin d’être exceptionnels. Si on en parle peu c’est parce que les préoccupations de la politique pure ont absorbé les esprits, et fermé les yeux du plus grand nombre sur les questions fondamentales.

Or nous allons montrer que les grèves patronales ont joué un rôle considérable au dernier siècle. On verra que si elles ont été souvent fructueuses ou seulement efficaces, pour leurs promoteurs, leur répercussion sur la démocratie ouvrière a été profonde et désastreuse.

I

Si l’on s’en tenait aux seules indications fournies par l’Office du travail du ministère du Commerce on ne manquerait pas de dire que les grèves patronales sont de peu de conséquence au regard des grèves ouvrières [1]. Nous ne connaissons, en effet, les résultats que depuis l’année 1893 date des premiers relevés très incomplets de ces conflits. Mais je montrerai, plus loin, les formes déguisées des grèves patronales. On verra que par l’étendue, la profondeur, l’intensité et l’universalité ces grèves peuvent rivaliser avec les grèves ouvrières.

Pour l’instant relevons simplement les petites grèves patronales visibles et classées.

En 1893 les bouchers d’Abbeville, de Besançon, de Nîmes, les boulangers de Marseille et de Propiano (Corse) se mettent en grève au sujet de certaines contestations sur la taxe de la viande et du pain.

En 1894 les bouchers de Clermont-Ferrand ; les boulangers de Lave-

  1. C’est la réponse qui m’a été faite par M. Finance, le collaborateur principal de M. Fontaine à l’Office du Travail.