Page:La Revue blanche, t25, 1901.djvu/568

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soit d’origine italienne ou allemande, se comprend également ; il y a là un élément tout extérieur qui est bien loin d’avoir une importance égale à la langue pour le poète, à la configuration du pays pour l’artiste plastique ; chez ces derniers aussi, d’ailleurs, ces différences extérieures se retrouvent comme des dons ou des lacunes de nature, sans qu’on leur attribue une valeur pour le contenu spirituel de l’organisme artistique.

Le trait caractéristique qui lie le musicien à sa nation doit cependant avoir une racine plus profonde que celui par lequel nous reconnaissons Gœthe et Schiller comme Allemands, Rubens et Rembrandt comme Flamands, encore qu’il nous faille admettre chez les uns comme chez les autres respectivement la même origine. Il est aussi passionnant de rechercher cette origine que de vouloir pénétrer l’essence même de la musique. Ce qui jusqu’ici a pu passer pour impénétrable à la dialectique, s’ouvrirait plus facilement à notre jugement si nous nous imposions la tâche plus déterminée d’étudier la connexion qui existe entre le grand musicien dont nous allons célébrer le centenaire et la nation allemande qui vient de donner de si hautes preuves de sa valeur.

Tout d’abord si l’on examine extérieurement ce rapport, il est bien difficile d’échapper aux illusions de l’apparence. Il n’est déjà pas facile de s’expliquer un poète et il nous a fallu entendre d’un historien éminent de la littérature les assertions les plus saugrenues sur l’évolution du génie de Shakespeare. Il ne faut donc pas nous étonner si nous rencontrons les mêmes aberrations à propos de Beethoven. Il nous est permis de voir clair dans le développement de Gœthe et de Schiller, car de leurs communications conscientes il nous est resté des données précises. Mais elles ne nous découvrent encore que la marche de leur développement artistique qui accompagnait plus qu’il ne dirigeait leur création. Quant au substratum réel de cette création, notamment quant au choix de la matière poétique, nous apprenons simplement que c’est le hasard infiniment plus que l’intention qui y domine, et qu’il est très difficile d’y reconnaître une tendance réelle liée à la marche extérieure du monde ou de la nation. De même quant à l’influence des impressions toutes personnelles de leur vie sur le choix et la mise en œuvre de leur matière poétique, il faut se garder de conclure hâtivement et ne pas perdre de vue que cette action ne s’est jamais exprimée immédiatement, mais seulement d’une manière indirecte, ce qui ne permet pas d’établir la preuve certaine de son influence sur la formation de l’œuvre. Par contre, nos recherches à cet égard nous permettent d’affirmer avec certitude ce fait unique qu’une évolution de ce genre n’a pu être observée que chez des poètes allemands, à vrai dire, chez les grands poètes de cette noble période de la renaissance allemande.

Maintenant que conclure des lettres que Beethoven a laissées, des très maigres renseignements que nous avons sur son existence extérieure ou sur les côtés intimes de sa vie, relativement à son œuvre musicale et à l’évolution qui s’y perçoit. Quand nous possédons jusque