Page:La Revue blanche, t28, 1902.djvu/337

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blissement de détention militaire peut louer, aux colons ou aux chefs d’entreprise qui lui en font la demande, le nombre de détenus nécessaires à l’exécution de telle ou telle besogne. Et ces colons ou ces chefs d’entreprise ont tout avantage à user de cette main-d’œuvre préférablement à celle des ouvriers civils de la colonie : le prix moyen de location d’un détenu militaire varie entre un franc vingt-cinq et un franc soixante par jour, alors qu’un ouvrier civil demanderait pour les mêmes travaux un minimum de salaire de cinq francs.

Détenus militaires du pénitencier militaire de Donëra, travaillant dans les vignes des moines trappistes de Staouëli, aux environs de Sidi-Ferruch (Décembre 1901).

Cet avantage n’est pas moindre pour l’autorité, qui sait retirer de cette location d’hommes des raisonnables bénéfices et, en commerçante avisée, fait alors litière des principes admis, des plus élémentaires convictions civiques, des sentimentaux scrupules développés en des circonstances plus gratuites. La pécune est toujours bonne à prendre, d’où qu’elle vienne, pense-t-elle, et elle louera indistinctement les hommes que lui confient les conseils de guerre, à la compagnie anglaise adjudicataire de l’exploitation des mines de fer du Mokta[1], près Bône, aussi bien qu’aux colons cosmopolites de la colonie, aux entrepreneurs adjudicataires des travaux de l’État, à des industriels divers, ou à des congrégations propriétaires de vastes étendues du sol algérien, tels, par exemple, les moines trap-

  1. Du 1er janvier au 1er juin de l’année dernière, quarante-deux militaires français loués à cette compagnie anglaise par l’établissement militaire de Bône, sont tombés malades ou morts de misères, de fièvres, de privations ou de tortures.