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la bataille de morsang
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culaire, parce que les trajectoires du tir ne coïncidaient pas avec la circonférence. Elles en étaient les cordes — assez grandes, car chaque masse tirait sur ce qu’elle jugeait l’ennemi visible, elle visait des points de la circonférence à deux ou trois cents mètres d’elle-même. Aucune balle ne passa à moins de vingt mètres de Sacqueville.

Il est notable que ces cordes étaient tracées pour la plupart de droite à gauche. L’homme perdu dans un désert marche ou fait feu à gauche. Il y a peu de gauchers, lesquels réciproquement se tourneraient à droite ; s’ils étaient davantage, ils arrêteraient peut-être le monde. En outre, il est impropre de comparer la trajectoire d’une balle à une corde tendue : cette corde fait ventre vers le ciel : elle est lâche… vers en haut. La balle d’un lebel dont la hausse est mise à six cents mètres et dont le tireur vise à hauteur d’homme, cette balle passe au-dessus de la tête d’un cavalier posté à mi-route du but. Le seul danger qu’aurait couru Sacqueville venait des quelques fusils laissés à la hausse normale de deux cent cinquante ; mais ceux-ci auraient porté, au contraire, trop près c’est-à-dire trop bas : le rayon du fer-à-cheval dépassait trois cents mètres — et il n’aurait eu à craindre que les ricochets, bien invraisemblables dans une terre molle : le plomb viole l’acier, mais sa souveraine dans le royaume du flasque, la boue mange le plomb.

Donc, le champ de bataille — champ, car les balles y fauchèrent les herbes et des éclosions de fleurs y furent hâtées et le résultat fut le même que si l’on y avait lâché un troupeau des langues pacifiques des moutons donc le champ de bataille ressemblait trait pour trait — les traits, légèrement incurvés comme des sabres et les bases des temples antiques — étant les trajectoires — à un simple et honnête cyclone. Or, on sait que le centre d’un cyclone — qu’il soit de vent ou de balles, et le vent étant les « domestique » ne sert qu’à « lancer dans le monde » les balles — ce centre est la bonace. Cyclone est cercle. La mort y est centrifuge. La mort est toujours centrifuge, ce qui explique l’inexplicable longévité de Dieu et de quelques hommes. Le cyclone est un trou avec de la mort autour. Erbrand Sacqueville, se sentait, comme son alliée Glodyte, chez lui dans ce fourreau.

Or, le général, au pas de sa jument rouanne, passa à vingt mètres du centre. Le périple des projectiles — comparables, par rapport à Sacqueville, à un rayon tangent d’une roue de bicyclette — firent de l’officier et du cheval un petit renflement au bord du moyeu. Le hennissement d’agonie — qui n’est plus un hennissement — fit la même plainte que si la roue eût eu besoin