Page:La Revue blanche, t4, 1893.djvu/377

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barbus de la sociale dont la politique trop évidente répugne maintenant. Mais l’allure satisfaite des prolétaires instruisit mieux encore. Parmi ceux qui font profession d’écrire, des formules courent, pareilles à celle-ci du poëte Viélé-Griffin : « Si le peuple savait combien sa douleur nous hante, il nous massacrerait de suite, par respect du capitalisme… »

En effet l’engouement littéraire pour l’altruisme actif naquit d’une considération purement esthétique. L’inharmonie du monde moral choque comme une faute d’art. L’extrême quiétude de quelques obèses et la souffrance que l’on croit familière à la multitude laborieuse outragent les écrivains ainsi qu’une disproportion architecturale, une opposition fâcheuse de tonalités, une cacophonie d’orchestre. Ce jugement s’apparente à celui qui, dans la critique d’art, vante les compositions fondues en des teintes de synthèse au détriment des toiles démodées empruntant leur prestige à la théorie du repoussoir.

Ainsi le soin de conquérir l’harmonie politique mena les intellectuels à se prononcer pour le socialisme centralisateur ou pour l’anarchie individualiste et fédératrice.

Un certain temps d’observations semble néanmoins les avoir rendus perplexes, car l’intégrité des théories ne résiste guère à l’examen d’une critique convenable.

Il a fallu reconnaître d’abord avec Herbert-Spencer, que la socialisation des biens anéantissant la concurrence, chacun se devrait à la tâche définie par les fonctionnaires supérieurs, chacun serait un fonctionnaire. L’administration déjà si révoltante atteindrait alors au plein épanouissement. Les abus d’autorité vexeraient davantage puisque nul ne s’y pourrait soustraire en quittant le centre industriel ou agricole. La garantie invoquée du suffrage universel paraîtrait simplement nominative, car les humbles molestés par l’injustice du supérieur hiérarchique ne sauraient se