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L’OCÉANOGRAPHIE ET LES PÊCHES MARITIMES

continue vers le nord-est, faisant suite au Gulf-Stream, retenant au total un caractère nettement atlantique mais avec une salinité et une température amoindries. La plupart des hydrographes et notamment ceux de l’expédition danoise Ingholf, interprètent ces faits comme une confirmation de l’ancienne théorie sous cette réserve que, si le Gulf-Stream garde son caractère et son cours, en refoulant le courant polaire, il incorpore une certaine quantité des eaux de ce dernier. Toutefois, en 1900, Pettersson maintient son hypothèse de l’entre-croisement temporaire des courants et d’une invasion d’eau polaire dans la mer du Nord et le Skagerrak ; et Gran, guidé surtout par l’étude du plankton, admet un mélange total mais inégal des deux courants, avec formation d’une branche sud, surtout atlantique, pour la mer du Nord et le Skagerrak, et d’une branche nord plus adultérée d’eau polaire, atterrissant en Norvège vers Stadt pour ensuite longer la côte vers les Lofoten.

Ainsi la biologie nous offre ce principe fécond que la continuité planktonique révèle une continuité hydrographique.

Mais la réciproque n’est pas strictement vraie, car un courant n’offre pas en toutes saisons et dans toutes ses parties un plankton identique ; lorsque les conditions varient, la faune et la flore changent à leur tour et ces variations sont parfois hors de proportion avec la cause qui les produit ; un plankton peut se montrer extrêmement stable à travers des circonstances très différentes, puis brusquement on le voit : évoluer des formes rares tout à l’heure vont maintenant pulluler ; celles qui dominaient vont au contraire se raréfier au point de disparaître ; d’autres enfin subissent une transformation morphologique qui les rend presque méconnaissables. Bref on aura deux planktons si différents d’aspect que le biologiste pourra s’y tromper et méconnaître leur réelle continuité. Ces mutations sont particulièrement profondes et obscures sur les frontières d’un courant, là où se mêlent des eaux et des planktons distincts, là où des conditions très diverses se succèdent en peu de temps et à peu de distance. On sait déjà que le plankton est particulièrement riche au contact des courants chauds et des courants polaires et l’on a remarqué souvent que les pêcheries de morues semblent jalonner une telle ligne de contact à Terre-Neuve, en Islande, aux Fœröé, aux Lofoten, etc.