Page:La Revue hebdomadaire, année 19, tome 3, n° 10, 1910.djvu/141

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ginations même vulgaires. Elle avait ce que j’appellerai la poésie marseillaise. »

Le meilleur atout de son jeu, fût-ce en littérature, était son incontestable beauté. Dans son roman de Lui, où elle se met en scène, elle se dépeint ainsi, sans modestie, mais avec ressemblance : « La taille svelte, le cou d’un blanc de marbre, une belle tête expressive couronnée d’une abondante chevelure d’un blond doré, des bras d’un modelé parfait et d’une blancheur éblouissante », ces bras dont elle disait un jour : « Vous savez qu’on a retrouvé les bras de la Vénus de Milo ? — Où donc ? — Dans les manches de ma robe. » Ce témoignage est confirmé par tous ceux qui l’ont approchée, depuis Musset, qui admire « ses yeux d’antilope », depuis Banville, qui compare les richesses de son corps superbe à un « Rubens ivre de roses », jusqu’à Cousin qui, ayant à décrire la duchesse de Longueville, prend Mme Colet pour modèle, et nous représente sous ses traits l’héroïne de la Fronde. Sans doute, avec le temps, elle s’alourdit un peu ; Diane se transforma en Junon. Elle garda longtemps, néanmoins, le galbé sculptural, le front altier, la bouche exquise, les yeux tantôt veloutés, tantôt voluptueux et brûlants, qui affolèrent tant de grands hommes et leur firent croire à son génie.

C’est à quinze ans, sur le pont qui relie Tarascon à Beaucaire, que Mlle Révoil fit sa première conquête. Elle a, dans un poème, célébré cette rencontre :

… C’est là que m’apparut un jour,
Debout près de la première arche,
Un jeune homme triste et pensif.
Incertaine était sa démarche,
Son front pâle, son regard vif.
Les cheveux de sa tête frêle
Se hérissaient sous le mistral ;
Flottant autour de son corps grêle,
Son pauvre habit l’habillait mal.