Page:La Revue hebdomadaire, année 19, tome 3, n° 10, 1910.djvu/155

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Après trois ans d’une liaison cahotée, on ne s’étonnera pas qu’il survînt une première rupture, une séparation sans éclat et sans explication, ou, pour mieux dire, une fugue subreptice de Flaubert, ennemi, comme il le dit, de toutes « les choses solennelles » et surtout des scènes féminines. Au mois d’octobre 1849, il partait pour l’Orient et, avant le départ, il négligeait de revoir sa maîtresse, « Si je n’ai pas été te dire adieu, expliquera-t-il plus tard avec franchise, c’est que j’avais déjà du sentiment par-dessus les oreilles. Il m’était resté de toi une grande aigreur ; tu m’avais longuement irrité ; j’aimais mieux ne pas te revoir. » Pendant ses dix-huit mois d’absence, il ne lui écrivit pas une fois.

Diverses préoccupations, d’ordre très différent, semblent avoir distrait « la Muse » du dépit de se voir lâchée avec cette belle désinvolture. La seconde république battait alors son plein ; les utopies sociales des hommes de février, les agitations de la rue passionnaient au plus haut degré la fougueuse citoyenne ; elle rêvait de jouer un grand rôle dans la cité future dont elle entrevoyait l’aurore. D’autre part, son ménage lui donnait des soucis. La débonnaire complaisance d’Hippolyte n’avait pu résister à toutes les épreuves infligées à sa longue patience conjugale. C’était maintenant un homme atrabilaire, le teint jaune, voûté avant l’âge, récriminant, geignant sans cesse. Leur intérieur devenait un enfer. Les bons conseils de Béranger ne purent prévenir une séparation à l’amiable, qui fut d’ailleurs de brève durée, car la santé chancelante du compositeur de musique donna bientôt les plus graves inquiétudes. Lorsque sa femme le vit perdu, elle lui offrit de le reprendre ; il accepta ; elle alla le chercher, le ramena au logis ; deux heures après, il était mort. Ce fut pour sa veuve l’occasion d’écrire une élégie :