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PORTRAIT

DU

CARDINAL DE RETZ

Paul de Gondi, cardinal de Retz, a beaucoup d’élévation, d’étendue d’esprit, et plus d’ostentation[1] que de vraie grandeur de courage. Il a une mémoire extraordinaire ; plus de force que de politesse dans ses paroles ; l’humeur facile[2], de la docilité[3] et de la foiblesse à souffrir les plaintes et les reproches de ses amis ; peu de piété, quelques apparences de religion. Il paroît ambitieux sans l’être ; la vanité, et ceux qui l’ont conduit lui ont fait entreprendre de grandes choses, presque toutes opposées à sa profession ; il a suscité les plus grands désordres de l’État, sans avoir un dessein formé de s’en prévaloir[4], et bien loin de se déclarer ennemi du car-

  1. La Rochefoucauld, dans ses Mémoires, dit, en parlant du cardinal de Retz : « Il avoit de l’élévation et de l’esprit ; » et un peu plus loin : « Il avoit de l’orgueil et de la fierté. »
  2. Nous lisons de même dans la partie des Mémoires que nous venons de citer : « Son humeur étoit facile. »
  3. Dans l’édition des Mémoires de Retz, de M. Champollion-Figeac, on a imprimé : solidité, au lieu de docilité.Mme de Sévigné, dans une lettre à sa fille (tome V, p. 519), dit à peu près de même, en parlant du Cardinal : « Jamais je n’ai vu un cœur si aisé à gouverner. »
  4. On peut croire que l’auteur pensait au cardinal de Retz, lorsqu’il écrivait les maximes 160 et 343 : « Quelque éclatante que soit une action, elle ne doit pas passer pour grande lorsqu’elle n’est pas l’effet d’un grand dessein. » — « Pour être un grand homme, il faut savoir profiter de toute sa fortune. »