Page:La Roncière - Nègres et négriers, 1933.djvu/132

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« LA CONFRÉRIE DE L’ESCLAVAGE
DE LA SAINTE VIERGE »

Aux yeux du maître, l’esclave n’est qu’un être purement physique, dont l’âme n’a pas besoin d’aliment. Dépourvus d’esprit de prosélytisme, les protestants ne voyent point en lui un frère en Christ : qu’il soit musulman ou idolâtre leur importe peu, encore que plus d’un noir pourtant adopte la religion chrétienne. Les catholiques administrent aux nègres le baptême : mais leur charité ne va guère plus loin que les cérémonies vaines pour des hommes qui connaissent dès leur vie les peines de l’enfer : c’est l’abbé Raynal qui parle.

Il y eut pourtant de vrais apôtres parmi les Français. — « Nous ne sommes pas dans nos maisons, disait le P. Du Tertre, de l’opinion de plusieurs habitants, qui croyent qu’une bonne maxime pour tenir les nègres dans le devoir, c’est de les tenir dans une crasse ignorance. » Longvilliers de Poincy, à Saint-Christophe, entretenait à ses frais cent soixante négrillons et négrites qui, chaque matin, entendaient la messe.

Mais l’apostolat était difficile parmi des gens qui n’avaient aucune notion de l’Être Suprême et ne redoutaient que les sorciers et les esprits. Un père jésuite, à Saint-Domingue, s’y essaya dans les cures où il passa successivement, à l’Acul, au Port-de-Paix, au Petit-Saint-Louis, au Cap Français. Du perron de l’église en pierre qu’il avait construite au Cap, le P. Pierre Boutin haranguait