Page:La Roncière - Nègres et négriers, 1933.djvu/206

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un apprentissage de sept ans pour s’adapter à la liberté, laps de temps qui permettait d’échelonner les indemnités à verser aux propriétaires, en moyenne cinquante livres par tête de nègre. Mais on en abrégea la durée, tant l’homme de couleur avait hâte d’ajouter, comme le blanc, une paire de pantalon et un habit à la chemise à grand col et au parapluie qu’il tenait d’une main, tandis qu’il portait de l’autre ses souliers. À un ministre méthodiste qui disait à un nègre bien élevé, très apprécié de son maître : « Rien ne vous manque, ni à vous ni à vos enfants. Pourquoi donc désirez-vous si ardemment être libre ? — Monsieur, répondit le noir en mettant la main sur son cœur, je voudrais pouvoir me dire : cette chair et ces os sont à moi. »

LA TOURNÉE D’UN PASTEUR AUX ANTILLES ANGLAISES

Un Quaker, soixante ans auparavant, avait donné le branle. Samuel Nottingham avait émancipé ses nègres. Ils vivaient en communauté au sommet d’une montagne dans l’îlot de la Tortola, l’une des îles Vierges, que parfument le jasmin, les convolvulus cramoisis et les splendides fleurs de l’orgueil de la Barbade.

Au cour d’un hiver aux Antilles en 1840, le pasteur Gurney alla d’île en île prêcher l’Évangile et constater en même temps les résultats de l’abolition de l’esclavage. Il commença par l’île danoise de Saint-Thomas, où il y avait encore des esclaves, où les frères Moraves eux-mêmes en