Page:La Société nouvelle, année 8, tome 1, 1892.djvu/135

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 135 —

sauce scandinave ou carthaginoise, et de l’offrir, ainsi rendue mythologique, comme texte à Wagner. Oui, généralement parlant, Wagner ne semble s’être intéressé à aucun autre problème qu’à ceux qui intéressent aujourd’hui les petits parisiens décadents. Toujours à cinq pas de l’hôpital ! Toujours des problèmes modernes, grande ville ! n’en doutez pas. L’avez-vous remarqué (cela appartient à cet ordre d’idées) que les héroïnes wagnériennes n’ont pas d’enfants ? Elles ne le peuvent. Le désespoir, avec lequel Wagner a attaqué ce problème, de faire d’ailleurs naître Siegfried, trahit combien sa façon de sentir sous ce rapport était moderne. Siegfried « émancipe la femme » sans espoir cependant de postérité. Un fait enfin qui nous laisse rêveur. Parsifal est le père de Lohengrin ! Comment a-t-il fait cela ? Doit-on se souvenir que « la chasteté fait des miracles ? »

Wagnerus dixit princeps in castitate auctoritas.


X

En passant, encore un mot des écrits de Wagner : Ils forment, entre autres, une école de malice. Le système de procédure que manie Wagner peut être employé dans cent autres cas. Que celui qui a des oreilles, entende.

Peut-être aurai-je quelque droit à la reconnaissance publique, si je donne une expression précise des trois procédés les plus précieux.

Tout ce que Wagner ne sait pas est à rejeter. Wagner saurait beaucoup de choses encore : mais il ne le veut pas, par rigueur de principe. Tout ce que sait Wagner ne sera imité par personne après lui, n’a été fait par personne avant lui, ne doit être fait par personne après lui. Wagner est divin.

Ces trois phrases sont la quintessence de la littérature de Wagner ; le reste est « littérature ».

Toute musique n’a pas eu besoin de littérature jusqu’ici : on fera bien de rechercher ici le but à atteindre. Est-ce parce que la musique de Wagner est trop difficilement compréhensible ? Où craignait-il le contraire : la comprendrait-on trop facilement ? En fait, il n’a répété toute sa vie qu’une seule proposition : sa musique ne signifie pas seulement musique, mais plus que cela, infiniment plus que cela.

« Ce n’est pas que de la musique ». Ainsi ne parle aucun musicien. Disons-le encore une fois, Wagner n’a pu créer de toutes pièces, il n’a pas eu le choix, il a dû faire une œuvre de morceaux, des motifs, des gestes, des formules, des redoublements, des centuplications ; il est resté rhéteur comme musicien ; il dut, par principe, mettre à l’avant-plan son « ceci signifie ».