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NOUVELLES DE NULLE PART

OU UNE ÉPOQUE DE RÉPIT

Quelques chapitres d’un roman utopique[1].


CHAPITRE I

Discussion et lit.


À la ligue, dit un ami, avait eu lieu un soir une violente discussion sur ce qui arriverait le lendemain de la révolution ; finalement on aboutit à une énergique affirmation faite par quelques compagnons au sujet de leurs vues sur le développement futur de la société nouvelle.

Notre ami conclut : Considérant le sujet, la discussion a été cordiale, car ceux qui étaient présents étant habitués aux meetings publics et aux débats après les conférences, s’ils n’avaient pas écouté les opinions les uns des autres (ce qu’on pouvait à peine attendre d’eux), en tout cas ils n’avaient jamais essayé de parler tous ensemble, comme c’est ordinairement l’habitude entre gens polis, quand la conversation tombe sur un sujet qui les intéresse.

Il y avait six personnes présentes ; par conséquent six sections du parti étaient représentées, dont quatre avaient d’énergiques mais divergentes opinions anarchistes. Un des membres de la section, ajouta notre ami, un homme qu’il connaissait très bien, était resté assis, presque silencieux, au commencement de la discussion, mais à la fin il y fut entraîné et finit par hurler à pleine voix et traiter tous ceux qui étaient là de maudits fous ; après quoi il y eut une période de bruit, et puis un calme pendant lequel la susdite section, ayant dit bonsoir bien amicalement, prit seule le chemin de sa maison vers un faubourg de l’Ouest, employant le moyen de voyager que la civilisation nous a obligé de prendre.

  1. Nous donnons ici la première traduction française de quelques chapitres de l’œuvre du poète W. Morris.