Page:La Société nouvelle, année 8, tome 1, 1892.djvu/399

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Et quelques-uns veulent être édifiés et redressés et appellent cela vertu ; et d’autres veulent être renversís et appelent cela aussi vertu.

Et ainsi presque tous croient avoir part à la vertu ; et, pour le moins, chacun veut être connaisseur en « bien » et en « mal ».

Mais Zarathustra n’est point venu pour dire à tous ces menteurs et à tous ces fous : « Que savez-vous de la vertu ! Que pouvez-vous savoir de la vertu ? »

Mais, au contraire, pour que vous, mes amis, vous vous lassiez des vieilles paroles que vous avez apprises des fous et des menteurs ; que vous fussiez lassés des mots : « récompense », « compensation », « punition », « vengeance dans la justice ».

Que vous fussiez lassés de dire : « Une action est bonne parce qu’elle est impersonnelle ».

Ah, mes amis ! Que votre vous-même soit dans faction, comme la mère est dans l’enfant : ainsi soit votre parole de vertu !

En vérité, je vous ai bien pris cent paroles et les plus chers hochets de votre vertu, et maintenant vous colére : contre moi, comme les enfants colèrent.

Ils jouaient sur la plage, la vague vint et entraîna leurs jouets dans l’abîme : maintenant ils pleurent.

Mais la même vague leur apportera de nouveaux jouets et déversera devant eux de nouveaux coquillages multicolores.

Et ainsi ils seront consolés ; et semblable à eux, vous aussi, mes amis, vous aurez vos consolations et de nouveaux coquillages multicolores !

Ainsi parla Zarathustra.

DE LA CANAILLE

La vie est une source de joie ; mais où la canaille vient boire, là toutes les fontaines sont empoisonnées.

Je suis propice à tout ce qui est pur ; mais je ne puis voir les gueules ricanantes et le soif des lmpurs.

Ils jetèrent leur regard dans la fontaine ; maintenant leur sourire répugnant m’est reflété du fond de la fontaine.

Ils ont empoisonné l’eau sainte par leur concupiscence ; et lorsqu’ils appelèrent leurs rêves malpropres une joie, ils empoisonnèrent, en outre, les mots.

La flamme s’incline lorsqu’ils approchent leurs cœurs humides du feu ; l’esprit, lui-même, bouillonne et fume, là où la canaille s’approche du feu.