Page:La Société nouvelle, année 8, tome 1, 1892.djvu/668

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

lâcheté, disons le mot, des citoyens qui craignent de défendre des opinions pour lesquels ils sauraient combattre avec héroïsme sur la fronu tière, devant l’ennemi. Et quoi de plus vrai ?

Les masses sont bonnes, dévouées, laborieuses, continue M. Beernaert ; elles ont trop la passion de la propriété ; elles sont fidèles à leurs bonnes et vieilles croyances.

Et il faudrait trembler parce que, comme cent fois dans le passé, il y a des énergumènes qui prétendent démolir tout cela ?

« Il faudrait céder devant ceux qui déclarent ne réclamer le suffrage universel que « pour arriver à la destruction de la propriété, source de tous les maux ›, qui fêtent l’inepte et sanglant souvenir de la Commune de Paris et qui proclament que dans les conjonctures actuelles, la révolution violente est inévitable ? » (Sensation, très bien, très bien.) Non, Messieurs, il n’en sera pas ainsi.

« Je le sais, le peuple a aujourd’hui ses flatteurs. Quel est le pouvoir qui n’a eu les siens ? On renouvelle envers lui les tentations historiques ; à lui aussi, on montre, du haut de la montagne, les royaumes de ce monde en lui disant : C’est toi qui est Roi !

« Mais grâce au ciel, tous ne sont pas séduits, le langage de la vérité a encore sa puissance ; et si la société le veut, si elle remplit ses devoirs, si elle ne renie pas Dieu, sans qui aucune société n’est possible, elle échappera à la catastrophe que l’on nous montre inévitable et dont les auteurs seront aussi les victimes ! » (Vive approbation, très bien, très bien, sur tous les bancs.)

(Annales parlementaires du 18 mai 1892.)

Telle est toute l’argumentation du ministre. Dépouillée de ses ornements phraséologiques, elle résisterait difficilement à une analyse un peu soutenue ; nous n’en voulons retenir pour le moment que l’idée principale : la peur considérée par M. Beernaert comme la cause de tout le mal.

La citation rapportée àce propos, malgré la remarquable personnalité dont elle émane, ne fait pas autorité, surtout dans les circonstances présentes.

Casimir Périer fut l’incarnation la plus complète du parlementarisme, à un moment où la bourgeoisie, en possession des droits politiques, atteignait son plein épanouissement. Il résista de son mieux aux tentatives d’une catégorie d’hommes, très intelligents mais moins bien partagés sous le rapport de la fortune, que ceux aux mains desquels se trouvaient le pouvoir et les richesses. C’étaient les « révolutionnaires à du temps ; ils poussaient le peuple à la révolte en se donnant comme leurs protecteurs ; ils