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Un horizon immense s’offrit alors à leurs yeux. Les cieux se déployaient dans une étendue sans fin ; les hautes cimes des montagnes, avec leurs fronts glacés, resplendissaient sous les rayons du soleil qui s’inclinait vers le couchant. Les arbres, les plantes, les fleurs, toute chose qui vit et se meut ici-bas, commencaient l’hymne du soir. Le sublime cantique, en remplissant l’espace de ses voix infinies, frappa d’admiration les jeunes enfants, qui respiraient les parfums de la poésie sans en comprendre encore les ineffables mystères. Immobiles et dominés par ce spectacle gigantesque, leurs pensées s’unirent au calme religieux et à la prière que la nature chantait à son Créateur. Entraînés par un pouvoir invincible, ils tombèrent en adoration devant Dieu. Le pur rayon de l’amour inconnu pénétra leurs cœurs ; leurs âmes étaient libres : c’étaient deux filles du pur esprit qui chantaient au bas de la montagne sacrée !

Géromio arriva.

— Je me doutais bien que vous seriez ici.

Les enfants se réveillèrent en sursaut, l’extase était finie, la vision était disparue, et comme deux voyageurs qui se sont égarés, ils dirent ensemble :

— Où sommes-nous ?

— Dans la partie la plus élevée de la tour, dans le donjon du château.

Un ameublement très-simple le décorait ; mais ce qui combla de joie Giovanni, ce fut d’y trouver un clavecin.

— C’est ici que je viens songer à tous ceux que j’aimais, c’est ici que je parle encore à ma bonne maîtresse. La voilà ! et dites si je n’ai pas raison de prier devant elle. Ses yeux célestes inspireraient la foi à l’impiété même.