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J’allais devenir mère, et ton enfant, Alphonse, il fallait l’abandonner !… Il fallait le livrer à la merci des étrangers ? N’est-ce pas que cela aurait été un crime ?… N’est-ce pas que tu m’aurais maudite, si j’avais délaissé ton fils ?… Oh ! va, je n’ai pas eu peur. J’ai quitté la nuit le seuil paternel. Je suis venue dans ce château, retiré au milieu d’une nature sauvage. J’ai élevé mon petit Giovanni. Tu le verras bientôt, nous irons le chercher chez la bonne Ninetta ; car vois-tu, Alphonse, ils ont découvert ma retraite ; ils m’ont persécutée de nouveau pour cet hymen. Grâce au ciel, j’ai dérobé mon fils à leurs yeux… Mais te voilà venu, je n’ai plus aucune crainte. Nous allons fuir ensemble, nous irons à Cassoria. Ludovic, l’époux de Ninetta, nous rendra notre Giovanni ; viens vite, car s’ils allaient nous surprendre !.…

La jeune femme fit un effort extraordinaire pour s’élancer dans les bras du religieux. Elle retomba luttant avec le trépas et le délire !…

— Mère divine des affligés, dit le prêtre, abaisse tes regards sur cette pauvre âme ; rends-lui quelques instants de raison, pour qu’elle implore la clémence de ton divin fils ; et prenant un crucifix qu’il avait sur la poitrine, il le présenta à la malade,

Ses traits altérés par la fièvre prirent soudain une expression angélique ; ses yeux, qui semblaient fermés à la vie, se rouvrirent en fixant avec bonheur le signe révéré du salut.

— Demandez pardon à Dieu ?

— Pardon, murmura l’agonisante !

Et après que le ministre de Dieu eut prononcé la sentence d’absolution, l’âme purgée de ses fautes s’envola au Seigneur ?…

Frères Ambroise tomba à genoux, en disant les prières des morts !

— Eh bien ! mon père, me rendrez-vous ma fille ?

Elle est au ciel, reprit le moine !…