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— Je ne sais, mais l’éducation qu’il a reçue le ferait supposer.

Les deux époux continuèrent leur conversation, et toujours Ninetta revenait à son idée fixe, le sort de Giovanni. Une visite inattendue les surprit, c’était frère Ambroise.

— Je trouble vos pieuses distractions, leur dit-il ; mais je voulais avant que notre fils adoptif fût de retour, vous apprendre quels sont les desseins de Dieu à son égard.

Ninetta sentit une terreur soudaine agiter son âme.

— Il y a quinze ans que la Providence le remit entre nos mains. Depuis cette époque nous avons essayé, il est vrai, de remplir notre tâche ; mais ne reste-t-il rien à faire ? Giovanni peut-il attendre la vie sur le seuil du cloître, ou bien assis aux genoux de Ninetta s’endormir dans l’oubli de l’avenir ? C’est un rêve qui pourrait nous séduire. Mais les destinées de l’homme le conduisent à un but plus élevé ; les desseins cachés du père commun, sans se révéler, se laissent soupçonner ; la sagesse divine permet à l’esprit d’entrevoir le chemin qu’elle lui a tracé : voilà le secret des vocations. Pénétré de cette vérité, j’ai étudié le cœur de Giovanni. J’ai par de ferventes prières obtenu des pensées qui m’ont fixé sur son sort. Je crois que je serais indigne si je m’opposais à ce qu’elles m’ont inspiré. Il existe à Naples des établissements élevés par la charité des fidèles et par la générosité des grands. Ces lieux se nomment conservatoires. Ils servent à instruire les enfants dans le divin art de la musique. Là les jeunes élèves vivent en communauté, soumis à une discipline sévère et habitués aux graves et sérieuses méditations que procure l’étude. Eh bien ! Giovanni se trouve appelé à cette destinée, Tout semble concourir à lui en préparer les voies : l’amitié de la puissante famille Manfredonnia, l’intérêt qu’il inspire au grand-écuyer du roi, et de plus l’ambition qu’il