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de sons combinés avec prétention et symétrie. La mélodie chantée, c’est ce qui naît de l’impression que vous fait éprouver le poète, c’est une nouvelle expression en harmonie avec les tableaux que l’on doit peindre : voilà ce que nous appelons la mélodie vocale ; hors de là, des satisfactions pour l’oreille, rien de plus. Eh bien ! cette seconde poésie, qui existe au xive siècle, parce qu’alors le poète et le musicien ne font qu’un, ne se réveille pour l’Europe entière qu’au xviiie siècle : là elle choisit Pergolèse pour révélateur, et le divin inspiré se rendit digne de cette sublime mission.

La culture éclairée, la culture qui ne s’adresse qu’aux spécialités, était, d’après nous, hors du vrai en musique, bien entendu, lorsque les traditions de Pergolèse nous furent apportées par Grétry. L’auteur de Richard, doué d’un esprit fin et délicat, et d’une sensibilité que ses œuvres révèlent à chaque instant, comprit, à la première audition, la différence qui existait entre ce qu’on appelait la musique française et les suaves mélodies de Pergolèse. Il n’eut alors qu’un but, c’était d’imiter cette belle école que suivaient les Duni, Montigni et Philidor. Alors la révolution devint complète, l’expression prit la place du faux goût, et des recueils charmants, pleins de grâce et de fraîcheur, vinrent offrir aux dilettanti des jouissances qu’ils ignoraient jusqu’alors. Quant au genre, quant aux sentiments que devaient rendre ces fugitives compositions, ils n’avaient pas changé, c’étaient toujours les tristesses amoureuses, les suaves félicités de l’âme, qui servaient de texte général ; la forme mélodique seule s’était modifiée, et plus le temps avançait, plus le nouvel art s’enrichissait des heureuses innovations que lui procuraient les Méhul, les Daleyrac et les Boïeldieu, ces grands maîtres de l’art, qui ne dédaignèrent pas de faire vibrer la lyre des troubadours. Ce fut sous leur influence qu’écrivit un homme qui succéda véritablement au comte de Champagne, et qui, réservant tout son talent pour la romance, parvint à occuper et occupe encore le premier