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Le manuscrit que je possède est le seul qui existe, j’en suis convaincu ; malheureusement, il ne m’est arrivé qu’après avoir passé par toutes sortes de mains. Trouvé en 1822, à Sainte-Hélène, par un ami de sir Hudson Lowe ; acquis, en 1828, par un haut personnage de la Restauration, qui dut y rencontrer certains détails très-peu de nature à lui faire plaisir ; devenu enfin, après 1830, la propriété d’un homme gratifié par notre puce d’un surnom peu honorable, vous sentez que ledit manuscrit ne dut m’arriver que biffé, lacéré, morcelé, en un mot, rendu grandement incomplet par des mutilations de toute espèce. Tel est, en effet, l’état dans lequel il se trouve. J’ai donc pensé qu’au lieu d’éditer purement et simplement le peu qui a échappé à ce vandalisme, ce qui eût été ennuyeux pour le lecteur, vu les lacunes multipliées qui s’y rencontrent à chaque instant ; j’ai pensé, dis-je, que je ne ferais pas mal d’exposer en quelques mots la suite des aventures de notre héroïne, autant du moins que j’ai pu la deviner moi-même. On voudra bien, je l’espère, me pardonner mon style, en faveur de ma bonne volonté.

Il n’y avait qu’un an que notre puce était de retour à Paris, lorsqu’elle eut le bonheur de rendre à l’Empereur un service inestimable qui ne lui fut jamais attribué, ce qui confirme cette pensée éternellement vraie, que les plus grands bienfaiteurs sont les moins connus. — Personne n’ignore qu’à la naissance du roi de Rome, le 20 mars 1811, l’enfant, durant sept minutes, ne donna aucun signe de vie. Pourtant, dans ce court intervalle de temps, tout fut mis en usage : on lui souffla de l’eau-de-vie dans les narines ; on le frappa du plat de la main sur tout le corps ; on le couvrit de serviettes chaudes… Rien n’y fit. Napoléon errait, désespéré, de la chambre à coucher à un cabinet de toilette attenant à cette