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tretinrent, à cheval, pendant quelques instans. Mon mari et moi nous assistions à l’entrevue, mais incognito. L’officier cosaque ayant glissé dans la conversation une phrase peu respectueuse pour l’Autriche, la susceptibilité nationale de mon époux en fut émue. Il s’élança sur le parlementaire, se glissa sous son uniforme et se mit à le piquer fortement au cou. Pendant qu’il était occupé à cette vengeance, le cavalier de l’Ukraine, ayant probablement terminé sa mission, piqua des deux et s’éloigna à grand galop, emmenant avec lui mon mari prisonnier. Pour surcroît de malheur, une vingtaine de puces, cosaques d’origine, qui faisaient leur demeure habituelle sux ce personnage, ayant deviné, aux traits du visage, que le puceron nouveau-venu n’était pas de leur pays, l’entourèrent et se mirent en devoir de tomber sur lui et de l’accabler. Cette disposition amena la mort du pauvre prisonnier, mais elle fut en même temps fatale à ses cruelles ennemies. L’officier cosaque, ennuyé à la fin de ce frétillement continuel qui lui chatouillait désagréablement le cou, y porta vivement la main, et, comme les puces, dans la chaleur de l’attaque, s’étaient agglomérées autour de leur victime, le bataillon tout entier se trouva pris sous le doigt du cavalier et fut impitoyablement massacré.

Ainsi mourut, d’une manière tragique et prématurée, le plus fidèle, le plus dévoué, le plus aimant des époux. Sa perte devint pour moi une source inépuisable de chagrins et de larmes, et la plaie qu’elle ouvrit dans mon cœur ne se fermera jamais. »

Ces derniers mots nous font connaître tout le reste de la vie de notre puce. Elle ne cessa, jusqu’au dernier soupir, de pleurer celui qu’elle avait perdu. Jeune encore et remarquablement belle, elle refusa de contracter un nouveau mariage,