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REHDI.

— Pauvre ami ! se peut-il que les ombres du soir
Obscurcissent déjà les clartés de l’espoir ?
Ô frère, se peut-il que l’amère tristesse
Ait de son linceul enlacé ta jeunesse !
Tous les dons que le ciel prodigue à l’être humain
N’ont donc pu réjouir la nuit de ton chemin ?
Le Seigneur parmi nous te fit la part amère,
Et ton printemps si doux fut un jour éphémère !
Pourtant, ô Stéphany, pourquoi mourir encor ?
Va vivre aux bords élus où croisent les fruits d’or !

STÉPHANY.

— Je me souviens d’un soir plein d’ombre et de lumière
Où j’allais demander du calme à la prière.
Un repos souverain dormait dans le saint lieu ;
J’étais seul… si n’était, au fond, le fils de Dieu,
Qui les bras étendus sur la croix solennelle,
Baissait ses yeux mourants et sa tête immortelle.
Quelques cierges brûlaient, flambeaux religieux,
Qui jetaient sur l’autel leurs feux mystérieux,
Dont les clartés, mourant au sein des arceaux sombres,
Laissaient les anges d’or sommeiller dans les ombres.
Ce moment était beau de silence et de foi…
L’esprit divin semblait se reposer sur moi !
Car la maison de Dieu qu’emplissait sa présence,
Veillait, sereine et belle en sa sainte puissance,
Et mon cœur inondé d’un calme solennel,
Sous ce dôme sacré concevait mieux le ciel !
Depuis quelques instants priant la vierge-mère
D’abaisser un regard sur ma douleur amère,
J’avais les yeux baissés et tout bas je pleurais…
Lorsque sur cet autel où ses divins attraits
Brillaient sans mouvement, je vis, ô doux prestige !
— Mes yeux étaient-ils pleins d’un céleste vertige ?…