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trebandiers. Bientôt les rires, les baisers, les blasphèmes se confondirent, concert infernal qui succédait à la prière, mais dont l’affreuse discordance aurait effrayé les plus hardis. La figure animée, l’œil en feu, les lascives italiennes se levèrent et la vallée trembla sous les rondes rapides des terribles danseurs ; mais les flambeaux s’éteignaient ; et l’ombre allait envelopper le cercle bondissant : tout-à-coup la chaîne immense se rompt, et chaque couple farouche se perd dans les ténèbres. Un homme et une femme restaient sur la place. Pergolèse commençait à trembler ; l’italienne fuyait, se dirigeant vers sa retraite ; enfin, elle fut saisie à bras-le-corps, et l’Orphelin entendit les paroles suivantes :

Léonora, pourquoi m’échapper ? Tu sais que je t’aime, les autres sont heureux, viens donc, Léonora.

— Antonio, finis tes insultes, dit l’impétueuse Léonora en se dégageant. Si tu m’aimes, je te hais, ainsi que tous les tiens. Si Juliano était en ces lieux…

— Ton amant, ton efféminé Juliano qui ne sait pas ajuster les voyageurs et qui tremble devant un poignard ; qu’il s’en aille écouter les torrents et rêver sur les abîmes, tu seras à moi, Léonora !

— Tues un infâme imposteur ! Juliano est brave, et s’il était en ces lieux, ta langue aurait démenti tes paroles. On le connaît, Antonio, ton courage ; Albina, la fille du pêcheur, que tu as lâchement assassinée à quinze ans et pendant son sommeil ! Et Léonora n’écoutant que sa colère s’élança sur Antonio, deux lames étincelèrent ; si l’Italienne avait eu plus de calme, le brigand était perdu. Mais elle l’atteignit faiblement ; rugissant comme une bête fauve, le monstre bondit avec joie ; il avait blessé Léonora et après avoir jeté un cri sauvage, il disparut. Cette lutte n’avait duré qu’une seconde, tout rentra dans le silence, Les plaintes seules de la victime