— Léonora, lui dis-je un jour, votre générosité vous a perdue. Seule et sans un protecteur, je suis la cause de vos maux. Je voudrais, riche et puissant, vous offrir ma fortune et mon nom, mais je ne suis qu’un proscrit.
Léonora tomba dans mes bras.
— Tiens, me dit-elle, après notre mariage, tu n’es point fait pour les villes ; ta situation veut l’entière liberté. Viens dans les montagnes ; le monde t’a persécuté, nous serons heureux nous serons libres.,
Léonora m’avait deviné ; elle s’apercevait que le contact des hommes m’était fatal. J’avais trop souffert, son cœur sut trouver le remède ; nous nous retirâmes dans ces lieux sauvages ; et depuis quatre ans que nous y vivons, l’événement qui m’a fait vous connaître est la seule peine qui m’ait affligé. Pour les brigands, quand ils vinrent s’établir dans les environs, nous fûmes effrayés ; mais lorsqu’ils surent que j’étais proscrit, leur chef me prit sous sa protection, et depuis ils ne m’ont jamais inquiété. Voilà comment du sommet de l’échelle sociale je suis arrivé à cet état d’isolement…………… Dois-je m’en plaindre ? Retiré du cercle où les hommes, par leur propre volonté, mènent si rudement leur vie à la tombe, je m’endors dans l’oubli de l’avenir, n’espérant qu’au soleil que chaque jour fait ruisseler sur ma tête. Mes frères ont-ils ma liberté que n’assujétit aucun pouvoir ; ma volonté qui n’a point d’entraves ; et ma vie, exempte de l’inquisitorial examen des nécessités d’habitudes qu’on appelle ses amis, espions au gage du monde, qui montrent sans pitié les infirmités morales qu’une confiance aveugle leur a fait apercevoir.
Et la société cependant s’écrie : Qu’elle veut le bonheur, qu’elle eût la sagesse. Dites-le moi, signor, ne dois-je pas bénir Dieu qui m’a conduit dans cette retraite ? J’ai là avec moi le doux et limpide Virgile ; l’amant de Laure me fait songer à Julia, et lorsque pendant toute la journée j’ai rêvé avec Dante
