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Juliano. S’il en est ainsi, marchez. Je ne suis point un prophète, malgré cela votre front que la pensée a vieilli, est marqué du sceau divin. Soyez fort au milieu de toutes les entraves. Soyez au dessus de vos ennemis, par l’indifférence que vous aurez pour leur haine. Et lorsque vous aurez acompli votre tâche, si vous n’êtes point compris, enfermez votre nom et vos œuvres dans la solitude. Le jour du triomphe arrivera ; et si la mort même vous surprend avant la justice, soyez persuadé que votre mémoire se réveillera aux applaudissements de l’univers.

La nuit s’était passée, l’aube illuminait les montagnes. Giovanni songea à l’inquiétude de Ninetta et prit congé de Juliano, après lui avoir promis de le visiter ou de lui écrire.

Lorsque l’orphelin arriva, Ninetta était dans les larmes. La tempête épouvantable qui avait eu lieu avait augmenté son inquiétude : elle croyait son fils perdu ; mais ses pleurs furent bientôt séchées, quand celui-ci lui eut appris qu’il avait trouvé lhospitalité,

— Je te croyais au château, où t’attendait la signora Cécilia, et quand vint le soir, ne te voyant point arriver, je m’y rendis. Juge de mes craintes, on ne t’avait point vu, je pensai que tu étais chez frère Ambroise.

— Vous savez, ma mère, que le supérieur m’a interdit sa cellule.

— C’est un peu ta faute, pourquoi ne veux-tu pas suivre ses conseils ?

— Faites-moi un reproche de n’avoir point voulu vous quitter.

— Ingrat ! tu sais que je sacrifierais tout à ton bonheur.

— Eh bien ! ma mère, je me rends aux décisions du frère Ambroise. Je vais à Naples.

— Tu rentres au Conservatoire.

— Jamais ! je vais habiter Naples, vous viendrez avec moi.