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curieuse histoire avait l’honneur de se nommer M. de Balzac, il n’hésiterait nullement à faire la description suivante. — Le bras gauche de cette jeune femme reposait sur un petit meuble en bois rose, du travail le plus étrange. On eût dit d’une mosaïque vénitienne. Aux quatre angles de ce chef-d’œuvre d’inutilité, — si toutefois il n’y a de franchement utile que ce qui passe en général pour être inutile, — se groupaient des figures japonaises exécutées en perles fines ; et sa surface plane était tellement parsemée d’imperceptibles rubis, qu’au premier coup-d’œil il était impossible de distinguer autre chose qu’une large étoile. L’unique pied de ce meuble était formé d’un tronc de liane à veines rouges et bleues. Mais ce qu’il avait peut-être de plus original, était une très-petite serrure en or dont le mécanisme intérieur avait fait obtenir un brevet d’invention. Quoi qu’il en soit, un élégant tiroir factice aurait pu s’ouvrir à l’aide de cette serrure inappréciable. — Pourtant, l’auteur ne fera pas cette description, non dans la crainte qu’elle n’explique nullement le rapport qui existe entre son titre et un meuble en bois rose, mais bien parce qu’il n’a pas honneur de se nommer M. de Balzac.

L’appartement était tendu de draperies blanches et bleues, à torsades d’argent. Les fauteuils rotinés se renversaient nonchalamment en arrière au milieu des chaises rotinées aussi, mais droites et frêles. Un divan blanc et bleu occupait le fond et dominait une grande peau de tigre étendue devant lui : c’était une terrible dépouille à longs poils rayés, brûlée par le pur soleil du Bengale. Ses griffes étaient d’or et s’enfonçaient à demi dans le tissu de cachemire qui couvrait le parquet ; ses dents d’argent soulevaient ses lèvres rouges, et ses yeux de