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— Que sa sainte volonté et la vôtre soient accomplies, mon frère : je suis à vos ordre.

— Écoutez-moi, mon ami : J’ai l’esprit inquiet, j’ai peur que le mauvais ange ne m’ait tendu un piège : dissipez mes craintes. Une jeune femme vous a-t-elle confié un enfant, et s’appelle-t-il Giovanni ?…

Ludovic resta stupéfait…

— Vous êtes surpris ; c’est un songe ; j’étais dan l’erreur !… Le tailleur se signa.

— Mon frère, vous êtes un prophète ; le Seigneur vous a révélé ce que j’allais vous confier. Une expression indicible anima la figure du moine. Ludovic lui raconta alors ce qui vient d’être lu.

— Je ne m’étais donc pas trompé ; mes inquiétudes étaient fondées. Le ciel était mon guide, c’est lui qui a voulu que la mère me léguât son fils. Vous avez adopté Giovanni, Ludovic ; mais je l’avais adopté avant vous : c’est mon enfant ; nous partagerons le bonheur de le rendre heureux. Allons ensemble à votre demeure, allons ensemble embrasser cet enfant du mystère et de la Providence.

Ninetta fut étonnée, quand elle aperçut son époux avec le supérieur ; mais sa surprise augmenta encore, en voyant ce dernier s’arrêter soudainement à la vue de Giovanni qui jouait à la porte.

— C’est bien lui, Ludovic ; c’est bien l’image de cette pauvre âme que j’ai rendue au Seigneur. Ninetta, vous conduirez souvent cet enfant près de moi, je veux l’instruire ; je veux qu’il m’aime comme il semble vous aimer. — Le supérieur, après avoir prononcé ces paroles, quitta les deux époux, qui ne pouvaient s’expliquer l’intérêt profond que frère Ambroise témoignait à l’orphelin.

Le religieux s’en allait l’âme remplie de joie : il savait à présent que les paroles de la mourante étaient l’histoire de sa vie ; il avait découvert son enfant, il allait l’élever pour en faire un