Page:La Variété, revue littéraire, 1840-1841.djvu/42

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 38 —

et écoutant je ne sais quoi, qu’il n’a que dix ans ? S’il connaissait l’histoire de sa mère… Mais non, il tient cela du ciel. S’il est avec moi et que le vent agite les feuilles, il m’arrête, il me fait rire avec ses naïvetés. Jamais je ne l’ai vu plus heureux que le jour où je le conduisis en pélerinage à la Madone Dei poveri del Signor. L’orage nous surprit, les éclairs se succédaient avec une rapidité effrayante ; je craignais pour Giovanni. Le petit fou, il s’était échappé pour monter sur la montagne afin de mieux voir la tempête. Mais malgré cela je me chagrine. Il est trop beau et trop bon pour rester avec nous.

— Oh ! je t’en prie, Ludovic, chasse ces pensées : si je les croyais, je mourrais de chagrin. Si Giovanni est toujours seul, c’est sa timidité qui le rend ainsi. Les autres enfants ne l’aiment point ; ils le fuient, parce que sa douceur est la condamnation de leurs méchancetés. Si tu l’avais vu, l’autre jour, comme il était joyeux ; comme il me racontait le plaisir qu’il avait eu avec la jeune Cécilia.

— Qu’est-ce que c’est que cette nouvelle connaissance, reprit le tailleur ? — Je vais te le dire : Giovanni était avec frère Ambroise à étudier le clavecin ; le duc de Manfredonnia vint consulter le supérieur ; l’enfant voulut sortir. Reste, lui dit frère Ambroise. Monseigneur, je veux vous faire entendre notre virtuose. Allons, chante la cantate del maestro Ceristimi. Le duc fut dans l’admiration, après avoir entendu le petit, et pria le supérieur de le lui confier pour quelques heures.

— La duchesse sera ravie d’entendre cette jolie voix, et notre Cécilia, qui est à peu près du même âge que votre élève, lui fera les honneurs de la journée. Giovanni n’osait se rendre à cette invitation ; mais engagé par frère Ambroise, il suivit le duc. L’accueil le plus aimable l’attendait ; il se trouva tout surpris dans ce nouveau monde ; la duchesse le combla de caresses ; il tint le clavecin, et charma toutes les personnes qui l’entendaient ; la fille du duc, la jeune Cécilia, était émerveillée.