adulations, ni les basses intrigues qui trop souvent remplacent le mérite.
En vain la curiosité et l’envie voulurent-elles surprendre sa confiance par leurs trompeuses amitiés ; il les désespéra par une réserve glacée et un silence méprisant.
Les conjectures remplacèrent alors la vérité ; elles lui créèrent une existence mystérieuse, et l’imagination populaire s’étant saisie de ces bruits, les transforma en récits merveilleux. Le prince profita de cette position pour s’assurer une indépendance étrangère aux usages de la cour.
N’étant point marié, il habitait un des palais les plus retirés de Naples. Simple dans sa mise et fuyant les fêtes, si quelquefois son rang le forçait à s’y rendre, il y déployait un esprit railleur et méchant. Impassible contre les séductions de la beauté, son ironie effrayait la coquetterie, dont il révélait les turpitudes ; et comme un bonheur providentiel l’avait préservé du stilet italien, les femmes du monde, ces tartufes du véritable amour, s’humiliaient devant lui, lui qui montrait à tous le miroir secret où elles voyaient passer leurs mauvaises pensées.
Les démarches les plus vives avaient été faites pour obtenir son amitié. Continuel fléau du ridicule, le ridicule avait demandé grâce, et pour échapper aux coups de son ennemi, il avait pris son costume. Cette pitoyable parodie ne fit qu’exciter le dédain du prince, qui continua à se moquer du sot revêtu des plumes du paon. Dans toute la cour, un seul homme avait acquis l’estime du grand-écuyer, c’était le duc de Manfredonnia. Simple et bon, le duc possédait la confiance publique. La droiture de son esprit avait d’abord désapprouvé les satires incessantes de Stigliano, et il n’avait pas craint de lui dire sa pensée.
— Prince, vous écrasez sans pitié, vous montrez au doigt la sottise et l’orgueil ; auriez-vous été dupe de la sottise et de l’orgueil ?
— Cela pourrait être, lui répondit Stigliano.
