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on que le directeur de la Sorbonne s’en allait à pied, parcourant la France, frappant à la porte des chaumières pour trouver les voix nécessaires à l’exécution de son œuvre ; ramenant Duprez, auquel il prédisait son brillant avenir, et le fantastique Monpou, qui rêvait déjà le bolero entraînant de l’Andalouse et le souper mélodieux de Mignon ? Voilà l’homme que l’art musical perdit en 1834 ; l’homme qui, possédant 200,000 fr. de capital, les fit servir à la réalisation de sa pensée ; l’homme qui fit plus à lui seul que tous ces amis de l’art qui l’exploitent à leur profit. Il eut cependant de vrais admirateurs : il y eut des cœurs qui le comprirent et qui voulurent continuer sa laborieuse tâche. Mais il faut avoir la force de porter l’armure du géant ; tous n’ont pas reçu cette organisation spéciale qui se fait une statue avec une œuvre ; mais faut-il garder le silence sur eux ? N’ont-ils pas droit à notre reconnaissance ? Et, pour notre compte, nous les félicitons. Nous dirons à l’un de nos concitoyens, qui, depuis 1828, a fondé une école musicale gratuite pour les ouvriers et les enfants des écoles chrétiennes, courage ! Les temps seront meilleurs, il faut espérer : le froid égoïsme qui glace presque tous les cœurs sera vaincu ; la défiance, qui éloigne les esprits, doit s’enfuir. Déjà l’on éprouve le désir d’être plus vrais ; nos plaisirs, retenus par la crainte, veulent prendre un nouvel essor ; c’est une fièvre qui se calme. Les âmes étaient en souffrance ; un ayeuglement fatal s’était répandu sur tous les yeux. La lumière revient, courage ! on vous saura gré de vos sacrifices ; les partisants du progrès viendront à vous. Faites-nous entendre encore les hymnes religieuses que votre maître nous apporta des terres étrangères ! Disciple de Choron, remplissez nos temples des accords sublimes des princes de l’harmonie ; que l’orgue humilié, que ce roi déchu reprenne sa couronne, et que ses larges tuyaux redisent les inspirations du Carmel.

Charles BÉNÉZIT.