Page:La Variété, revue littéraire, 1840-1841.djvu/8

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tuer une fois les prisonniers, les vaincus, il peut les tuer en détail et les tuer longuement ; qu’un peuple subjugué est d’une nature inférieure ; qu’il devient une chose, et peut être traité comme une chose. Cependant le jeune Athénien arrive à un âge où son père veut lui faire connaître les institutions des villes rivales ; il part pour Lacédémone, qui a un instant posé les armes, et, jusqu’à l’été prochain, permet à l’Attique de planter ses oliviers. À son arrivée il trouve les frères de Lycurgue sous les armes. Quoi donc ! le grand roi aurait-il envoyé des ambassadeurs en Laconie pour demander le feu et l’eau ? Les peuples voisins conjurés feraient-ils trembler, pour la sûreté de leur existence, ces héros qui ne tremblent jamais ? Non, mais les Éphores ont déclaré que les esclaves étaient en surnombre ; que la chasse aux Ilotes était ouverte, et la boucherie dure trois jours. — Le voyageur apprend, en frémissant de rage, que les races d’Asie, sous le fouet des satrapes, se sont réunies et qu’elles vont inonder la Grèce, Il accourt aussitôt et va se ranger auprès de Cynégire. Il voit le guerrier qui s’acharne à retenir une galère, qui se fait couper les deux poings plutôt que de lâcher prise, et est tué en voulant retenir sa capture avec les dents. Voilà le grand côté des mœurs antiques. — Mais les Grecs sont vainqueurs. Que les Barbares se consolent. Le lendemain, la Grèce, de ses propres mains, va déchirer ses entrailles, parce que les races qui la dominent ne sont pas sœurs. Les sœurs ont brûlé leurs titres de famille. Un jour cependant Périclès, monté à la tribune, va pleurer sur la mort de tant de jeunes hommes que la patrie a perdus. Il parle avec emphase des origines d’Athènes, de ses lois, de ses combats ; il cherche à consoler les parents par le tableau de cette renommée qui doit survivre à leurs fils. Mais ces âmes chéries et dévouées, que sont-elles devenues ? Il ne parle plus d’elles que pour les confondre avec les cendres du corps ; il remplace l’éternité de la récompense et la glorification de l’âme par la froide image de la célébrité humaine. Ainsi, depuis le berceau