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lution complète éclata dans le château. Les dames d’honneur coururent se renfermer dans leur boudoir, les femmes de chambre dans leur cabinet, les cuisiniers dans leur bouge, et chacun commenca sur soi-même une longue et sévère perquisition ; puis on bouleversa les lits de fond en comble, on secoua les draperies, on inspecta les garde-robes, et pour ne rien omettre, un petit marmiton fut chargé de passer les chats en revue.

Cette journée fut fatale à bien des puces qui vivaient cachées dans des coins retirés du château et dont on n’avait pas jusque là soupçonné l’existence. Le petit marmiton surtout en découvrit un grand nombre qui toutes furent impitoyablement massacrées. Ce furent là les Vêpres Siciliennes de notre race.

Au milieu de ces scènes sanglantes, ma mère, cause sinon tout-à-fait innocente, du moins involontaire de ce funeste événement, eut l’adresse de se dérober à la mort qui la menaçait de toutes parts. Après avoir traversé quelques appartements, poursuivie par la bande meurtrière, elle se trouva dans l’antichambre principale, au moment même où un envoyé extraordinaire de l’empereur d’Autriche quittait la salle de réception et se disposait à retourner vers son maître. Ma mère comprit que l’occasion était favorable, et, décidée à s’exiler de la France puisqu’il lui fallait s’exiler de la cour, elle s’attacha au diplomate, et le soir même, malgré les dangers d’une grossesse avancée, elle fit roule vers l’Allemagne avec la suite de l’ambassadeur.

En passant à Strasbourg, elle se trouva tout-à-coup saisie des douleurs de l’enfantement, et je vins au monde dans cette ville frontière, tout juste assez à temps pour naître