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Ne se trouveraient-ils pas en présence des mêmes partis hostiles, des mêmes intérêts délicats à ménager, à concilier ?

N’auraient-ils pas à lutter contre les royalistes, les impérialistes et les ultramontains brochant sur le tout ?

Les mesures qu’ils décréteraient au nom du peuple et pour son salut tourneraient toutes à leur confusion ; et alors, pour échapper au ridicule, ils tomberaient — c’est forcé — dans l’odieux.

L’esprit de saillie, le style trivial peuvent faire réussir un journal comme le Figaro, la Marseillaise ou le Père Duchêne ; mais il faut autre chose que des bons mots ou d’ineptes jurons pour résoudre les questions à l’ordre du jour.

Lorsqu’on possède ou que l’on est sur le point de posséder les libertés nécessaires, ce n’est qu’avec du temps et un esprit pratique très-sagace qu’on peut réaliser les améliorations possibles.

Mais si la folie intervient, si elle trouve de l’écho dans certaines sommités politiques ou littéraires, le progrès est compromis, la République est en danger ; et le gouvernement, qui sent et voit le péril, court au plus pressé : il fait de la répression malgré lui au moment même où, sans cette intrusion insensée, il allait faire de la liberté par choix.

Ce n’est qu’avec des ménagements infinis que la Raison pourra s’introniser en France et que la liberté intégrale pourra y régner.

On peut juger par la hauteur qu’implique le fait suivant à quelle profondeur l’endoctrinement jésuitique a pénétré.

Il y avait autrefois une famille princière qui représentait en France la monarchie constitutionnelle. C’était la famille d’Orléans.

Eh bien ! l’héritier de cette famille, insultant à la mémoire de son père et de son grand-père, est allé rendre hommage-lige à M. Henri de Bourbon, qui pour ses féaux est Roy de France de par le Dieu des armées.

Les badauds — ils sont nombreux — n’ont vu là qu’un acte politique.

C’est plus grave : c’est un acte religieux. Le dogme catholique seul a amené et commandé cette condamnation sacrilège et absolue de la conduite d’un ancêtre.

Si l’enseignement jésuitique a une pareille influence sur les classes relativement éclairées, quel effet ne doit-il pas produire sur les ignorants ?

Que feraient donc les Blanqui, les Rochefort, etc., etc., en présence de cette masse vouée et dévouée à l’obscurantisme et qui repousserait la liberté offerte comme une persécution ?

C’est surtout à l’égard de la gente dévote qu’il ne faut pas employer la violence ; elle « fit toujours sa grandeur ».

Envers la magistrature, ils n’oseraient guère plus qu’on a fait tout dernièrement.

Et vis-à-vis de l’armée, qui est si susceptible, comment se comporteraient-ils ?

Puis viendraient les intérêts financiers, agricoles et industriels, qui, au reste, se seraient effarouchés avant tous les autres ; et eux seuls, par leur résistance, abstention ou inertie, suffiraient pour jeter à bas tout l’édifice révolutionnaire.

Nous ne parlons pas des relations extérieures : il n’y en aurait plus ; pas même avec les États-Unis de l’Amérique du Nord.

Imprudents amis, si vous avez quelque intelligence politique, vous com-