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LE CAVALIER MISEREY.

pénibles scènes où se déroulent avec monotonie la timidité louche du capitaine Weber, la niaiserie et l’avilissement de capitaine du Simard, et l’enthousiasme ahuri du capitaine Ratelot, qui, après six ans d’Afrique, sait lire encore, étonné, mais ne comprend plus rien de ce qu’il lit ? On a dit que ces officiers avaient été copiés malignement d’après nature dans l’état-major du régiment où l’auteur fit son volontariat. Je ne le crois pas. Ils sont inventés : je le veux. Encore sont-ce là de fâcheuses inventions.

Le tort en est à l’auteur. Le tort en est aussi au genre de littérature que le goût public lui a imposé. Ces perpétuelles analyses, ces minutieux récits, qu’on nous donne comme pleins de vérité, blessent au contraire la vérité, et avec elle la justice et la pudeur. On prétend que le roman naturaliste est une littérature fondée sur la science. En réalité, il est renié par la science, qui ne connaît que le vrai, et par l’art, qui ne connaît que le beau. Il traîne en vain de celui-ci à celle-là sa plate difformité. L’un et l’autre le rejettent. Il n’est point utile et il est laid. C’est une monstruosité dont on s’étonnera bientôt.

Tout dire, c’est ne rien dire. Tout montrer c’est ne rien faire voir. La littérature a pour devoir de noter ce qui compte et d’éclairer ce qui est fait pour la lumière. Si elle cesse de choisir et d’aimer, elle est déchue comme la femme qui se livre sans préférence. Il y a une vérité littéraire, ainsi qu’une vérité scientifique, et savez-vous le nom de la vérité littéraire ? Elle