Page:La Vie littéraire, I.djvu/129

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l’homme des émotions plus intimes et plus douces ; et celles-là, quoi qu’on dise et quoi qu’il dise, ne sont pas absentes de son œuvre. Je n’aurais pas grand’peine à prouver que parfois M. Leconte de Lisle est un élégiaque. Pour cela, je rappellerais le Manchy :

Tu t’en venais ainsi, par ces matins si doux,
De la montagne à la grand’messe,
Dans ta grâce naïve et ta rose jeunesse,
Au pas rythmé de tes Hindous.

Maintenant, dans le sable aride de nos grèves,
Sous les chiendents, au bruit des mers,
Tu reposes parmi les morts qui me sont chers
Ô charme de mes premiers rêves.

Ces vers sont voisins de la jeunesse du poète. On en trouve l’écho pur et clair dans un poème tout récent, l’Illusion suprême.

Ô chère vision, toi qui répands encore,
De la plage lointaine où tu dors à jamais,
Comme un mélancolique et doux reflet d’aurore
Au fond d’un cœur obscur et glacé désormais !

Les ans n’ont pas pesé sur ta grâce immortelle,
La tombe bienheureuse a sauvé ta beauté ;
Il te revoit avec tes yeux divins, et telle
Que tu lui souriais en un monde enchanté.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

L’âme et la voix du poète ont gardé, après tant d’années, leur pureté première. Si M. Leconte de