Page:La Vie littéraire, I.djvu/185

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

affaires de leur cœur, nous croyons entendre celles de notre propre cœur et nous sommes ravis. Ils ne pensent qu’à eux, nous ne pensons qu’à nous ; c’est une excellente disposition pour s’entendre. Il fut un temps où je flânais tous les jours avec délices. J’ai souvent écouté, en ce temps-là, les conversations des bonnes gens sur les bancs des jardins publics. J’en ai surpris de fort douces et même d’un peu attendries.

Celles-là consistaient en des confidences alternées dont l’interlocuteur n’entendait que le murmure en songeant à ce qu’il allait dire. Toutes les répliques commençaient par ces mots : « Vous dites bien, c’est comme moi… » Ils ne s’ennuyaient pas l’un l’autre. C’est pourquoi le doux murmure des poètes intimes ne nous ennuie pas non plus. C’est pourquoi plus d’une jeune femme, en finissant de lire Olivier ou l’Exilée, murmure : « C’est comme moi… », et reste pensive. Si sa rêverie a été profonde et douce, elle dira : « M. François Coppée est un bon poète. »

Aujourd’hui, il nous donne en cinquante pages ses feuilles d’automne. Un mince cahier de vers d’amour, qu’il intitule : Arrière-saison. Il y montre avec une douce mélancolie ses cheveux qui grisonnent aux tempes. Il est jeune encore, puisqu’il dit qu’il vieillit. Ce n’est pas que je le soupçonne de quelque affectation. Je suis persuadé, au contraire, qu’il sent l’âge venir et qu’il en est attristé. Quoi de plus naturel ? La vieillesse ne se sent vivement que par avance. L’on en