Page:La Vie littéraire, I.djvu/306

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l’âge de chacun de nous. Il est jeune aux jeunes. Il est revêtu, pour les yeux de quinze ans, des teintes de l’aurore. Il meurt avec nous ; il renaît dans nos enfants. Qui de nous n’est soucieux d’un avenir qu’il ne verra pas ? Pour moi, je suis chaque année avec un intérêt plus vif et plus inquiet la fortune de nos études classiques. Songez donc que la culture française est la chose du monde la plus noble et la plus délicate, qu’elle s’appauvrit et qu’on multiplie pour la régénérer les essais les plus périlleux. Comment voulez-vous qu’à des heures aussi critiques on puisse voir sans émotion un petit « potache » allant, matinal, le nez en l’air, ses livres sur le dos, à son lycée ?

Il est l’avenir de la patrie, ce pauvre petit diable ! C’est avec angoisse que je cherche à deviner s’il gardera toute vive ou s’il laissera éteindre la flamme qui éclaire le monde depuis si longtemps. Je tremble pour nos humanités. Elles formaient des hommes ; elles enseignaient à penser. On a voulu qu’elles fissent davantage et qu’elles eussent une utilité directe, immédiate. On a voulu que l’enseignement restât libéral tout en devenant pratique. On a chargé les programmes comme des fusils pour je ne sais quel farouche combat. On y a fourré des faits, des faits, des faits. On a eu notamment une inconcevable fureur de géographie.

Le latin en a grandement souffert. Beaucoup de républicains s’en sont consolés, le croyant inventé par les jésuites. Ils se trompaient. Les jésuites n’ont