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Perey. On trouve dans ce livre le journal écrit de 1772 à 1779, à l’Abbaye-au-Bois, par la jeune princesse Massalska, qui le commença à neuf ans et le continua jusqu’à sa quatorzième année. Disons tout de suite que M. Lucien Perey a complété, après de laborieuses recherches, la biographie de cette princesse, qui, devenue, par un premier mariage, la belle-fille de l’aimable prince de Ligne, épousa, après un divorce audacieux, le prince Jean Potocki, chambellan du roi de Pologne. On sait peut-être que ce nom de Lucien Perey est le pseudonyme d’une docte demoiselle qui exerce, depuis de longues années, sa pénétrante érudition sur ces vieux manuscrits où nos grands-pères et nos grand’-mères ont laissé un peu de leur âme. La figure que pseudo-Perey a cette fois fait revivre pour nous est celle d’une petite créature très jolie et très amoureuse, qui fit dans sa vie beaucoup de mal sans le moindre remords : car elle le fit par amour. Et il faut avouer que c’est une grande cause. « Nul n’a le droit de juger ceux qui aiment, » pensa la Jeanne Avril de M. de Bonnières, quand elle aima.

Hélène de Massalska écrivait très bien. La raison en est qu’elle sentait fortement et n’avait pas appris le beau style. Hélène était orpheline ; son oncle, le prince-évêque de Wilna la mit, âgée de neuf ans, à l’Abbaye-au-Bois. À cette époque, où, parmi tant de femmes, il n’y avait point de mères, le couvent servait de famille aux filles de qualité. Mademoiselle de Fresnes, petite-fille du chancelier d’Aguesseau, y fut mise à trois ans