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M. GUY DE MONTPASSANT.

une oraison jaculatoire pour la réussite de son mariage, il ouvre avec un passe-partout la porte de la maison où il couchait, et se va mettre dans son méchant lit, plutôt pour songer à son amour que pour dormir. » Voilà, ce me semble, un bon motif pour un dessin à la plume de M. Henri Pille. Je ne veux m’attarder ni aux Caquets de l’accouchée, ni aux histoires de laquais de Charles Sorel, ni aux récits bourgeois de Furetière, ni aux contes de fées. Quant au dix-huitième siècle, c’est l’âge d’or du conte. La plume court et rit dans les doigts d’Antoine Hamilton, dans ceux de l’abbé de Voisenon, dans ceux de Diderot, dans ceux de Voltaire. Candide est bâclé en trois jours pour l’immortalité. Alors tout le monde conte avec esprit et philosophie. Avez-vous lu les historiettes de Caylus et connaissez-vous Galichet ? Galichet était un sorcier. « C’est lui qui fit passer pour l’âme d’un jacobin une grande fille habillée de blanc, qui venait toutes les nuits voir le père procureur. C’est lui qui fit pleuvoir des chauves-souris sur le couvent des religieuses de Montereau, le jour que les mousquetaires y arrivèrent. C’est lui qui fit paraître tous les soirs un lapin blanc dans la chambre de madame l’abbesse… » Mais je crois que Galichet me fait dire des sottises. Oh ! les aimables gens, et comme ils étaient intelligents et gais ! Oui, gais. Et savez-vous comment s’appelle la gaieté des gens qui pensent ? Elle s’appelle le courage de l’esprit. C’est pourquoi j’estime infiniment ces marquis et ces philosophes