Page:La Vie littéraire, II.djvu/112

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enfin par les danses macabres. La mort en fut bien aggravée.

C’est au XVIIIe siècle seulement que les tombeaux cessèrent d’être horribles. Surmontés d’urnes gracieuses et d’amours en fleurs, ils ornaient les jardins anglais et les parcs à la mode. Quand la belle et bonne madame de Sabran visita le tombeau de Jean-Jacques dans l’île d’Ermenonville, elle fut toute surprise de n’éprouver que des impressions douces et paisibles. Ce tombeau, se disait-elle, invite au repos. Et elle écrivit aussitôt à Boufflers, son ami : « J’avais quelque envie d’être à la place de Rousseau ; je trouvais ce calme séduisant, et je pensais avec chagrin que je ne serais pas même libre un jour de jouir de ce bonheur-là, tout innocent qu’il est. Notre religion a tout gâté avec ses lugubres cérémonies, elle a pour ainsi dire personnifié la mort ; les anciens ne souffraient point de cette image horrible que nous présente notre destruction. » Madame de Sabran avait raison. Les anciens mouraient plus naturellement que nous. Ils quittaient la vie avec facilité parce qu’ils la quittaient sans trop craindre ni trop espérer. Les choses souterraines ne les touchaient guère, et ils ne se figuraient point que cette vie fût une préparation à l’autre. Ils disaient : J’ai vécu. Le chrétien mourant dit : Je vais enfin vivre. L’idée païenne de la mort est bien marquée dans les stèles funéraires de beau style grec ; qui représentent les morts, assis, beaux et paisibles. Parfois un ami vivant, une femme qu’ils ont laissés sur la terre viennent leur poser doucement la main