Page:La Vie littéraire, II.djvu/133

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— Et voilà pourquoi j’ai les yeux bleus, disait parfois Saint-Cyr avec un sourire mélancolique. Mais voilà aussi pourquoi je suis venu au monde deux mois avant terme, et si chétif qu’on me croyait perdu.

N’ayant pu le porter assez longtemps, sa mère le couva si bien qu’il vécut. Il annonça dès l’enfance une âme ardente et tendre. À l’âge de douze ans, transplanté avec sa famille dans le Lyonnais, à Saint-Chamond, où son père venait d’être nommé directeur des postes, il dévora la bibliothèque publique que Saint-Chamond doit à la libéralité posthume de Dugas-Montbel, son plus illustre enfant. Le bon Dugas-Montbel, qui traduisit Homère avec simplicité, avait rassemblé les monuments de la poésie et de l’art antiques. Au milieu de ces nobles richesses, Saint-Cyr sentit l’amour du beau gonfler son cœur adolescent. On dit qu’en même temps la beauté vivante commençait à le troubler et qu’il était dès lors irrévocablement destiné à d’exquises souffrances.

Ses études terminées, il vint à Paris. Mais bientôt il fut appelé au chevet de son père mourant. Il perdit presque en même temps son frère cadet, qui revint du Mexique blessé mortellement. Assombri par ce double deuil, il alla chercher en Italie la divine consolation. L’Italie le reçut comme une mère. Au soleil de Florence il chanta. Il ne fit que passer, mais il emportait les ardentes images du beau. En quittant Florence, il lui laissa pour adieu un de ces sonnets à la fois précieux et négligés dans lesquels il coulait volontiers sa pensée :