Page:La Vie littéraire, II.djvu/201

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feuilletons dramatiques et M. Francisque Sarcey lui en a fait tous ses compliments. Mais M. Jules Lemaître s’occupe de bien autre chose dans ces études si diverses et toujours nouvelles, ou plutôt il ne s’y occupe que d’une seule chose, qui est l’âme humaine.

C’est à elle qu’il rapporte tout. De là, l’intérêt de ces pages écrites au jour le jour et que relie comme un fil d’or le sentiment philosophique.

M. Jules Lemaître n’a point de doctrine, mais il a une philosophie morale. Elle est, cette philosophie, amère et douce, indulgente et cruelle, et bonne par-dessus tout. Sagesse de l’abeille qui fait sentir son aiguillon et qui donne son miel ! Je suis bien sûr que, si l’on pouvait aimer sans haïr, M. Jules Lemaître ne haïrait jamais. Mais c’est un voluptueux qui ne pardonne pas à la laideur d’attrister la fête de la vie. Il aime les hommes, il les veut heureux ; il croit qu’il y a plus de sortes de vertus qu’on n’en compte généralement dans les manuels de morale. Il est de ces hommes, qui ne veulent de mal à personne, qui sont tolérants et bienveillants et qui, n’ayant pas de foi qui leur soit propre, communient avec les croyants. On nomme ces gens-là des sceptiques. Ils ne croient en rien ; cela les oblige à ne rien nier. Ils sont, comme les autres, soumis à toutes les illusions du mirage universel ; ils sont les jouets des apparences ; parfois des formes vaines les font cruellement souffrir. Nous avons beau découvrir le néant de la vie : une fleur suffira parfois à nous le combler. C’est ainsi que M. Jules Lemaître, tantôt sensuel, et tantôt ascétique,