Page:La Vie littéraire, II.djvu/224

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tant de fois et si heureusement renouvelée depuis le XVe siècle.

» Pourtant, je vous l’avoue, monsieur, c’est avec quelque défiance et un peu de tristesse que je vois s’amasser sur ma table ces piles de livres jaunes. On publie deux ou trois romans par jour. Combien, dans le nombre, doivent survivre ? Le XVIIIe siècle n’en a pas laissé dix, et c’est un des beaux siècles de la fiction en prose. Nous avons trop de romans, et de trop gros. Il faudrait laisser les gros livres aux savants. Les contes les plus aimables ne sont-ils pas les plus courts ? Ce qu’on lit toujours, c’est Daphnis et Chloé, c’est la Princesse de Clèves, Candide, Manon Lescaut, qui sont épais chacun comme le petit doigt. Il faut être léger pour voler à travers les âges. Le vraie génie français est prompt et concis. Il était incomparable dans la nouvelle. Je voudrais qu’on fît encore la belle nouvelle française ; je voudrais qu’on fût élégant et facile, rapide aussi. C’est là, n’est-il pas vrai ? la parfaite politesse d’un écrivain.

» On peut beaucoup dire en un petit nombre de pages. Un roman devrait se lire d’une haleine. J’admire que ceux qu’on fait aujourd’hui aient tous également trois cent cinquante pages. Cela convient à l’éditeur. Mais cela n’est pas toujours convenable au sujet.

» Souffrez, monsieur, que je n’entre pas, pour le moment, dans le détail des classifications de la « littérature de tout à l’heure », telles que vous les avez établies vous-même. L’examen des tendances de la jeunesse