Page:La Vie littéraire, II.djvu/233

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

disons que nous ne pouvons le voir, ils répondent que nous y mettons de la mauvaise volonté.

Ils nous flattent en nous supposant des sens exquis ; nos sens sont aussi grossiers, peu s’en faut, que ceux de nos pères. Tels qu’ils sont, ils nous procurent bien des joies et bien des douleurs. Mais ils ne suffisent point à percevoir les délicatesses de l’art nouveau. Je ne pardonne point aux symbolistes leur obscurité profonde. « Tu parles par énigmes » est un reproche que les guerriers et les rois s’adressent fréquemment dans les tragédies de Sophocle. Les Grecs étaient subtils ; pourtant, ils voulaient qu’on s’exprimât clairement. Je trouve qu’ils avaient bien raison. J’ai passé l’âge heureux où l’on admire ce qu’on ne comprend pas. J’aime la lumière. M. Charles Morice ne m’en promet pas assez pour mon goût. Je veux comprendre tout de suite, et c’est là une exigence qui lui paraît insoutenable.

Vous êtes bien bien pressé ! semble-t-il dire. Seriez-vous de ces esprits légers qui ne peuvent rien supporter de grave ? Que ne méditez-vous les écrits de la jeune école ? que ne les creusez-vous ? que ne les approfondissez-vous ? Et il ajoute en propres termes : « La licence peut être prise par l’artiste d’exiger du lecteur bénévole une sérieuse, une patiente attention. » Je répondrai en toute franchise que voilà, si je ne me trompe, une fâcheuse maxime et un précepte dangereux qui suffiraient à me brouiller avec toute la poétique nouvelle et à m’ôter l’envie de voir s’accomplir les prophéties littéraires de M. Charles Morice.