Page:La Vie littéraire, II.djvu/235

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quelle fonction s’est donné l’art de l’avenir. Il veut s’attacher non plus seulement à l’esprit comme les classiques, non plus seulement à la matière, comme les naturalistes (ce n’est pas moi qui le dis), mais à l’être humain tout entier. Il veut faire la synthèse des littératures ; il veut, selon la formule de M. Charles Morice, « suggérer tout l’homme par tout l’art » .

C’est là une nouveauté. Et, comme toutes les nouveautés, elle est aussi vieille que le monde. De tout temps, l’art a voulu représenter l’homme, et l’homme tout entier. On ne l’a pas dit de tout temps, parce qu’il y eut d’abord des âges de simplicité dans lesquels on ne disputait pas sur la nature du beau ; mais de tout temps on l’a pensé, car c’est la chose là plus naturelle. Les savants prétendent que le Petit Poucet est plus vieux que l’Iliade ; ce n’est pas impossible. Eh bien, les vieilles femmes qui contaient le Petit Poucet aux enfants du Sapla Sindhou avaient aussi l’idée de représenter à leur manière tout « l’homme par tout l’art », comme dit Charles Morice. C’est pareillement, n’en doutez point, ce que se proposait le poète villageois de la vieille France qui fit cette chanson, bien connue de La Fontaine :

 Adieu, cruelle Jeanne.
 Puisque tu n’aimes, pas,
 Je remonte mon âne
 Pour galoper au trépas.
 — Vous y perdrez vos pas,
 Nicolas !

Voilà, sans obscurité aucune, corps et âme, tout l’homme